A la Living School, école primaire privée de Paris, Anne-Sophie de Oliveira, enseignante et directrice adjointe de l’établissement,
avec un élève.
| Roberta Valerio 1/3
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Depuis de nombreuses années, des enseignants entretiennent
de nouvelles relations avec les élèves, testent des approches pédagogiques alternatives, favorisent les arts et l’expression des enfants.
Que ce soit au sein d’établissements expérimentaux, regroupés
dans la Fédération des établissements scolaires publics innovants (Fespi) ou dans le secteur public traditionnel, où des enseignants motivés élaborent des
projets originaux (livres et films réalisés avec des lycéens, cours de yoga en primaire, etc.).
Quant au secteur privé, il est loin d’être à
la traîne, puisque la première école française pratiquant la méthode Montessori (qui favorise l’autonomie des enfants), fête cette année son centenaire…
En juin 2012, fraîchement
nommé ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, a inauguré, à Orléans, le cinquième Forum des enseignants innovants et de l’innovation éducative.
Une façon de soutenir ces initiatives
sans pour autant raviver la guerre entre les « pédagogues » (l’enfant et le jeu au centre de l’enseignement) et les « républicains » (la blouse grise et l’autorité comme méthode).
Car, pour Vincent Peillon, cette querelle est caricaturale : « Ferdinand Buisson, père de l’école républicaine avec Jules Ferry, a écrit l’un des premiers dictionnaires pédagogiques », explique le
ministre.
25 % d’heures de cours en moins
Dans son projet de réforme, présenté le 23 janvier en Conseil des ministres, Vincent Peillon ne souhaite pas généraliser les expériences des CLE ou celles
d’autres établissements, publics ou privés, au motif que « l’innovation doit être partout » dans l’Education nationale.
Reste que ces expériences sont riches de méthodes et d’approches
pédagogiques, dont certaines, comme dans la banlieue de Caen, ont déjà fait leurs preuves.
Mais bien souvent, ces instituteurs et professeurs du premier et second degrés se sentent isolés ou mal vus par
leur administration, leur académie ou des enseignants plus « conservateurs ».
A l’instar de Philippe, instituteur dans les Hauts-de-Seine, qui reconnaît devoir enseigner « discrètement » certains
volets de son programme.
Parti récemment à la montagne avec des CM2, il a surtout travaillé « sur l’autonomie et la responsabilité des enfants, raconte-t-il. Ils devaient être capables de faire l’inventaire
des affaires à placer dans leur valise en imaginant ce qu’ils allaient vivre sur place. Une de mes collègues n’a jamais compris l’intérêt de ma démarche. »
Pesanteur des règles et
procédures, inertie face aux changements, regards critiques de la hiérarchie et des collègues… De son côté, le secteur privé de l’éducation s’est depuis longtemps affranchi de ces contraintes
de l’école publique.
La première école Montessori a ouvert ses portes en France en 1913. La méthode a formé depuis des milliers d’enfants et d’enseignants. Et chaque année, de nouvelles
écoles et approches pédagogiques voient le jour.
L’établissement privé Living School (Paris) a été créé en 2007, par Caroline Sost, une ancienne directrice des ressources humaines.
Accueillant 80 têtes blondes de la maternelle au primaire, Living School se distingue des méthodes Montessori ou Freinet (fondée sur l’expression libre des élèves), par deux principes fondamentaux : le «
savoir-être » et l’écocitoyenneté.
En plus des cours classiques (grammaire, maths, histoire…), les enfants s’initient à la confiance en soi et aux bonnes relations avec les autres (le savoir-être).
Apprendre la confiance en soi
Cette notion donne lieu à des séances peu communes. Par exemple, Anne-Sophie de Oliveira, la maîtresse, fait asseoir en demi-cercle les enfants de classe primaire sur des poufs, les calme puis
leur demande d’exprimer à tour de rôle ce qui, à leurs yeux, ne va pas.
Même quand Anne-Sophie leur dit qu’elle a trouvé certains enfants un peu lents au moment de ranger leurs affaires, le ton est toujours
bienveillant. Dans un autre exercice, les écoliers se lancent un ballon en se congratulant : « Tu es très jolie », « Tu es mon meilleur copain », « Tu es très intelligent », etc.
« Nous
partons de l’idée que tous les enfants ont des capacités, un trésor, que nous valorisons », explique l’institutrice. Cette confiance passe par les enseignants qui ont tous suivi des formations en développement
personnel. « On ne peut pas aider les autres à avoir confiance en eux si l’on n’a pas confiance en soi ».
Autre innovation de l’école : le cahier de réussite. Tout ce que les écoliers réussissent
y est consigné : « Aujourd’hui, j’ai réussi à faire un gâteau », « J’ai réussi à dire une phrase en anglais ».
En cas de doute personnel, « les enfants feuillettent
le cahier et s’aperçoivent par eux-mêmes des progrès accomplis. C’est rassurant et positif », commente Anne-Sophie.
Clairement innovante, cette pédagogie a cependant un coût. Car, contrairement
au CLE d’Hérouville-Saint-Clair, où la scolarisation est gratuite, Living School est une école privée hors contrat (sans aide de l’Etat).
Avec des frais de scolarité qui s’élèvent
à environ 6 500 euros par an, elle reste donc réservée à quelques privilégiés.